Le Cameroun doit défendre ses progrès en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en septembre 2025 devant le Groupe d’action financière. Mais de janvier à juin dernier, le pays n’a mis en œuvre que 25% des réformes attendues. Les experts préviennent qu’un échec sera catastrophique pour l’économie nationale.
« Nous devons accélérer la lutte contre le blanchiment des capitaux pour sortir de la liste grise du GAFI. » L’appel du ministre délégué auprès du ministre des Finances, Yaouba Abdoulaye, sonne comme une évidence, à moins d’être l’expression d’une angoisse qui cache mal la crainte d’une menace qui se fait de plus en plus pressante. En effet, la première session 2025 du comité de coordination des politiques nationales de lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive (LBC/FT) tenue le 25 juin 2025 à Yaoundé et exclusivement consacrée à l’examen de la situation du Cameroun par rapport au GAFI, n’incite pas à l’optimiste.
Inscrit depuis le 23 juin 2023 sur la « liste grise des pays sous surveillance renforcée » par le Groupe d’action financière (GAFI), qui fait figure d’observatoire international en matière LBC/FT, le Cameroun a pris un engagement écrit à haut niveau de remédier aux carences constatées et qui a élaboré un plan d’action avec le GAFI en novembre 2024. Mais à fin juin 2025, le pays n’a rempli que huit des 24 conditionnalités convenues.
Pourtant, l’évaluation des progrès réalisés par le pays sera à l’ordre du jour de la réunion du Groupe d’examen de la coopération internationale du GAFI prévue en septembre prochain. La question est donc de savoir si après avoir pris six mois pour mettre en œuvre six réformes, le gouvernement et les autres parties prenantes peuvent mettre en œuvre les 16 réformes encore attendues en deux mois (seulement). Il apparait donc que malgré l’accompagnement du Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (Gabac), le pays semble encore loin de se tirer d’affaire. Un pronostic qui repose sur un faisceau d’indices convergents.
Signes précurseurs
Le 13 juin dernier par exemple, à l’issue de sa conférence plénière consacrée à l’Afrique, le GAFI a officiellement mis à jour sa liste des juridictions sous surveillance (liste grise et liste noire). Il en ressort qu’aucun pays africain n’a été ajouté à cette liste. Par contre, le Mali et la Tanzanie sont retirés de la liste grise, reconnaissant ainsi les progrès réalisés par ces pays dans le renforcement de leurs dispositifs de LBC/FT. Toutefois, le rapport ne fait aucune allusion quant à quelques progrès réalisés par le Cameroun.
Le 10 juin déjà, l’Union Européenne a procédé à l’actualisation de sa « liste des pays tiers à haut risque » c’est-à-dire « présentant des carences stratégiques en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ». Pour ce qui est du continent africain, les travaux de la Commission européenne ont conduit à l’ajout de l’Algérie, de l’Angola, de la Côte d’Ivoire, du Kenya et de la Namibie, à ladite liste dans la quelle ils retrouvent le Cameroun, en particulier. A contrario, Gibraltar, le Sénégal et l’Ouganda sont retirés.
Ces mises à jour sont un appel pressant à l’action pour les pays encore sous surveillance. Selon le GAFI, le Cameroun fait partie des pays qui sont « particulièrement exposés à des risques de blanchiment des capitaux liés à l’intégration dans le système financier des produits issus de la corruption, des détournements de deniers publics, de la fraude douanière et fiscale, du braconnage, du trafic d’espèces fauniques et d’essences forestières protégées ». Selon le Rapport sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun en 2023, l’Agence Nationale d’Investigation Financière a reçu 965 Déclarations de Soupçon pour des flux financiers de 1 665,4 milliards de FCFA.
Epée de Damoclès
L’inscription d’un pays dans la liste du GAFI n’est pas une simple formalité. Elle affecte directement la réputation, la souveraineté financière et la stabilité économique du pays. Ce qui constitue un signal d’alerte international et révèle des défaillances majeures dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Ce qui n’est pas sans conséquences.
Sur le plan économique, l’inscription sur la liste GAFI peut entrainer un désengagement des investisseurs étrangers, une hausse du coût de financement de la dette publique, une parte de confiance des marchés et agences de notation, des restrictions dans les relations bancaires internationales et, en fin de compte, une dégradation du climat des affaires et des flux commerciaux. Au plan opérationnel, cette situation se traduira par une surveillance renforcée des renforcée des flux financiers et le renforcement des exigences de conformité pour les opérateurs économiques locaux (banques, entreprises, ONG, investisseurs).
Views: 62