Prévue en mars, la troisième réunion du Groupe de Travail chargé de formuler des propositions consensuelles pour la supervision des activités des Caisses des Dépôts et Consignations et la gestion des avoirs en déshérence dans la Cemac, s’est tenue le 15 avril 2025. Cette ultime rencontre n’a débouché sur aucun consensus. Au lieu de poursuivre la réflexion, la BEAC et la Cobac ont décidé de transmettre la patate chaude au Comité ministériel de l’UMAC.
Pas d’accord ! Pas de consensus ! Comme nous le prédisions dans un article le 30 mars 2025 sur la question, ce n’était qu’un « consensus » en trompe l’œil dont se targuait le gouverneur de la BEAC, Yvon Sana Bangui, dans un communiqué du 12 février dernier s’agissant du Groupe de Travail chargé de formuler des propositions consensuelles pour la supervision des activités des Caisses des Dépôts et Consignations (CDC) et la gestion des avoirs en déshérence dans la Cemac.
L’ultime réunion de ce Groupe de travail [initialement] prévue au mois de mars dernier et qui n’a pu se tenir pour des raisons encore inconnues a finalement eu lieu le 15 avril à Yaoundé. Et, point de « fumée blanche » dans le ciel de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) pour annoncer un accord entre les membres. Bien au contraire. Un communiqué de presse de la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun (CDEC) lu sur les onde de la radiodiffusion publique nationale, CRTV, donne plutôt à penser que la réunion s’est achevée en queue de poisson.
Dans ce document, le directeur général de la CDEC, Richard Evina Obam, dénonce en des termes qui n’ont rien de « diplomatiques », la conduite orientée des travaux. « Dans le cadre de ces travaux et comme lors des précédents, la BEAC et la Cobac ont continué d’éluder les problématiques centrales soulevées par les Caisses des dépôts et consignations (CDC) ».
Il s’agit de, égraine le DG de la CDEC, « l’absence de fondement juridique de leurs actions, la souveraineté des Etats membres quant à l’organisation et la gestion de leurs services publics, le non assujettissement des comptables des Trésors publics à la Commission bancaire, le contrôle des deniers publics et deniers privé réglementé par la Cobac, la capacité des Etats membres à se doter d’instruments alternatifs de financement de leurs économies, l’absence d’études et de données chiffrées justifiant le risque systémique allégué par la Cobac sur la stabilité financière dans la zone Cemac ainsi que la discrimination dont est victime l’Etat du Cameroun. »
Pas besoin d’être un « expert » pour comprendre que dans ces conditions, un accord relèverait d’un quiproquo. Effectivement, « aucun consensus ne s’est dégagé » au terme de la réunion. Chaque partie est restée campée sur ses positions. D’un côté, « la BEAC et la Cobac qui souhaitent assimiler le service public de dépôts et consignations aux opérations de banques pour imposer une supervision totale des CDC », fustige le DG de la CDEC. De l’autre, les deux Caisses des dépôts et consignations en activité dans la zone Cemac à savoir le Gabon et le Cameroun dont la position constante et harmonisée est de limiter la supervision aux seules opérations de banques résiduelles exercées par les CDC au cas où elles n’auraient pas créé de filiales à cet effet.
Dialogue de sourds
On est donc dans une impasse ou les discussions continuent ? Ce ne sera ni l’un ni l’autre cas puisqu’« en dépit de l’absence de consensus, élément essentiel à toute construction communautaire, la BEAC et la Cobac entendent néanmoins faire un passage en force en présentant leurs avant-projets à l’arbitrage du Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) », dénonce Richard Evina Obam.
Une manière de dire que le plaidoyer des représentants des CDC n’a pas prospéré face la volonté unilatérale exprimée par la BEAC et la Cobac. Pour l’essentiel, il a été question de rappeler que « les compétences de la communauté sont des compétences d’attribution c’est-à-dire que ce sont les Etats qui consentent à déléguer une portion de leur souveraineté dans une matière et les organes communautaires doivent agir dans le stricte respect de cette délégation. » Un message qui est manifestement tombée dans des oreilles de sourds.
Toutefois, apprend-on des membres du Groupe de travail, la CDEC a réitéré la position officielle de l’Etat du Cameroun. Elle est sans équivoque. Il s’agit, insiste Richard Evina Obam, d’une part, du « retrait du projet de texte relatif aux conditions d’exercice des activités des CDC dans la Cemac qui est sans fondement juridique pertinent et contraire aux bonnes pratiques issues de la comparaison internationale » ; d’autre part, de « la limitation de la supervision par la Cobac aux opérations résiduelles de banques existantes dans les CDC au cas où ces dernières n’ont pas créé de filiales à cet effet » et enfin « la levée de l’injonction illégale et discriminatoire à l’égard du Cameroun émise par le secrétaire général de la Cobac, confortant certaines banques dans la désobéissance civile tout en décuplant leur défiance vis-à-vis de l’Etat. »
« Patate chaude »
Désormais, c’est au Comité ministériel de l’UMAC, composé des ministres des Finances de la Cemac, de se pencher sur la question qui devient de fait « politique ». Au moment où la Conférence des chefs d’Etat de la Cemac est annoncée, nul doute que le dossier sera à l’ordre du jour de leurs travaux. Dans cette perspective, on peut dire que le Cameroun a pris les devant. Le « dossier » CDEC qui bénéficiait déjà du soutien inconditionnel du ministère des Finances, Autorité monétaire nationale et de la présidence de la République compte désormais sur un allié de poids : le Parlement.
A travers l’article quatre-vingt troisième de la loi de finances 2025 intitulé « Dispositions générales relatives aux deniers publics destinés à la Caisse de Dépôts et Consignations (CDEC) », le législateur camerounais a dans un premier temps consacré le statut de « deniers publics » des fonds dévolus à a CDEC. Ensuite, « cette disposition permet de clore un potentiel débat et un motif dilatoire auquel penserait sans doute la corporation bancaire », résume Dr. Abdouraoufi Ibrahim, juriste. Imagine-t-on le président de la République renier la loi de Finances 2025 qu’il a transmise au Parlement, que le parlement a adopté (sans amendement) et qu’il a promulgué ? C’est difficile à croire…