Où en est le groupe de travail, créé le 18 octobre par le gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) en vue de formuler des propositions consensuelles pour la supervision des activités des Caisses des dépôts et consignations (CDC) et la gestion des avoirs en déshérence au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) ? Pas grand-monde n’en a plus entendu parler depuis lors. On en est encore aux formulations protocolaires, affirme une source proche du dossier.
Avec 38 membres et présidé par le gouverneur Yvon Sana Bangui, les acteurs du groupe proviennent de la Beac, ça va de soi, mais aussi la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac), les CDC du Gabon, du Cameroun et du Congo ainsi que des associations de consommateurs. Ils ont pour mission d’identifier des pistes de convergence et de formuler des recommandations concrètes, visant à lever les obstacles et renforcer la confiance des acteurs de la place financière.
Rien que l’effectif pléthorique du groupe laisse déjà craindre la léthargie. De quoi susciter de vives inquiétudes à Yaoundé, où les autorités n’ont cessé de condamner l’intrusion de la Banque centrale et de ses institutions spécialisées dans les affaires intérieures du Cameroun.
Le 11 juillet en effet, la Cobac avait décidé de la suspension temporaire à la structure des opérations de transfert des avoirs en déshérence de la Caisse des dépôts et consignations du Cameroun (Cdec). Le gendarme des établissements financiers entendait ainsi clarifier la nature, mais également définir les modalités de conservation, de gestion, voire de restitution de ces avoirs avant toute action de transfert. Il affirmait alors avoir «engagé des travaux visant à encadrer, au plan communautaire, le traitement par les établissements de crédit, de microfinance et de paiement, des avoirs en déshérence et de leur transfert aux institutions habilitées». Pour le régulateur, ce cadre règlementaire permettra de préserver la stabilité financière au sein de la Cemac, de maîtriser les risques opérationnels liés à la conservation et la gestion de ces valeurs, ainsi que les risques de contentieux entre les institutions nationales, les institutions financières et les titulaires de ces avoirs ou leurs ayants droit.
Au Cameroun, la présidence de la République avait instruit le ministre des Finances à inviter la Cobac à rapporter sa circulaire, relative à la suspension du processus de transfert des avoirs en déshérence, et d’axer ses réflexions sur d’éventuelles activités bancaires résiduelles, susceptibles d’être exercées par les Caisses de dépôts et consignations, lorsque celles-ci n’ont pas créé des filiales à cet effet. Il était aussi question de veiller, avec la Cdec et en application de l’article 55 du décret du 15 avril 2011 portant organisation et fonctionnement de cet organisme, à la poursuite effective, diligente et sereine du processus de transfert des fonds entamé.
On rappelle qu’un décret, du Premier ministre camerounais, daté du 1er décembre 2023 et fixant les modalités de transfert des fonds, permet aux établissements de crédit et de microfinance d’obtenir des modalités particulières en cas de fragilité financière ou de risques d’exposition au non-respect de certains ratios. Les modalités en question prennent en compte les défis opérationnels des transferts, tout en permettant aux banques d’ouvrir un compte Cdec dans leurs livres. «Les fonds transférés ne génèrent aucun mouvement de trésorerie défavorable pour la banque. Un échéancier de transfert des fonds et/ou valeurs spécifiques aux établissements de crédit ou de microfinance exposés à des engagements financiers est prévu parmi lesdites modalités», ajoutait-il. Et d’appeler la Cobac à se positionner comme un catalyseur du changement, plutôt que comme un frein. D’accompagner les États dans le déploiement d’outils de financement de l’économie.
Dans le même temps, le directeur général de l’organe national, Richard Evina Obam, avait exprimé son désaccord avec cette suspension. Il a alors insisté sur la souveraineté des États membres de la Cemac en matière législative et réglementaire, soulignant que chaque État membre était libre d’appliquer ses propres lois, en l’absence d’un cadre réglementaire communautaire lisible. «En vertu du principe de subsidiarité et en cas de compétence concurrente, les États membres ont une compétence par défaut sur tous les domaines non réglementés par le droit communautaire, ce qui est le cas du service public des dépôts et consignations, avait alors expliqué le patron de la Cdec. La construction communautaire est faite par les États et non par la défense des intérêts corporatifs. Maintenant, si une réglementation communautaire doit être mise en place pour encadrer certaines activités des caisses des dépôts et consignations, cela ne doit pas être de manière unilatérale ou en privilégiant certaines parties, mais en associant les États membres et même les caisses des dépôts et consignations.»
Les autorités camerounaises, insistait alors M. Evina Obam, ont pris les mesures appropriées pour garantir la stabilité du secteur bancaire. Déjà, le décret du Premier ministre, daté du 1er décembre 2023 et fixant les modalités de transfert des fonds, a permis aux établissements de crédit et de microfinance d’obtenir des modalités particulières en cas de fragilité financière ou de risques d’exposition au non-respect de certains ratios.
Mais rien n’y a fait. Il y avait déjà comme un gros soupçon d’abattre, en plein envol, les activités de la Cdec, dont les premiers pas avaient suscité l’enthousiasme de plusieurs opérateurs du secteur. Combien de temps faudra-t-il donc, au groupe de travail du gouverneur Yvon Sana Bangui, pour rendre sa copie ? Personne ne le sait. Ce qui est certain, par contre, c’est que la Cdec aura à endurer les lourdes conséquences de la suspension de ses activités.
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