Après des années de turbulences financières et d’immobilisme opérationnel, la compagnie aérienne nationale du Cameroun dévoile un ambitieux plan de renaissance. Dotée d’un soutien public estimé à près de 100 milliards de FCFA, Camair-Co entend reconnecter le pays à ses voisins africains, en ciblant notamment Kinshasa, Abuja, Lagos et Malabo.
Une stratégie de reconquête africaine
C’est un pari audacieux, presque nostalgique. Dans une atmosphère de redécollage symbolique, Camair-Co, souvent qualifiée de « compagnie aux ailes brisées », vient d’annoncer l’ouverture prochaine de plusieurs nouvelles lignes vers des capitales africaines majeures. Kinshasa, Lagos, Abuja et Malabo rejoignent ainsi la liste des destinations à moyen terme, marquant un tournant stratégique dans l’histoire d’une entreprise qui avait, ces dernières années, disparu des radars du transport aérien africain.
Cette relance s’inscrit dans un plan gouvernemental d’envergure, avec un financement public annoncé de près de 100 milliards de FCFA. Objectif affiché : repositionner Camair-Co comme un acteur crédible dans le ciel africain et poser les fondations d’un éventuel retour sur la scène intercontinentale.
Une compagnie marquée par les revers
Créée en 2006 sur les cendres d’Air Cameroun, Camair-Co n’a jamais véritablement trouvé son rythme de croisière. Malgré des ambitions initiales élevées et l’appui technique de Boeing dans les années 2010, la compagnie a enchaîné les revers : dettes abyssales, pannes récurrentes, faible fiabilité des horaires, et une flotte souvent clouée au sol faute de maintenance adaptée.
À son apogée, elle desservait une quinzaine de destinations, y compris Paris et Bruxelles. Mais dès 2016, des tensions internes et des difficultés financières l’obligent à réduire drastiquement ses opérations. L’entreprise devient le symbole d’un secteur public en crise, cumulant les retards de paiement, les salaires impayés et une gestion managériale parfois chaotique.
Cap sur une nouvelle flotte et des hubs régionaux
Dans sa nouvelle feuille de route, Camair-Co mise sur un réaménagement profond de sa flotte. Si le détail des acquisitions n’a pas encore été officiellement communiqué, des sources proches du dossier évoquent l’achat ou la location d’appareils de type Embraer ou Boeing 737, plus adaptés aux liaisons africaines à moyenne portée.
La compagnie souhaite également transformer l’aéroport international de Douala en véritable hub régional, capable de drainer un trafic de correspondance entre l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Ouest et le Golfe de Guinée. Une stratégie en miroir de ce qu’ont réussi à développer Ethiopian Airlines à Addis-Abeba ou Royal Air Maroc à Casablanca, mais dans un environnement bien plus concurrentiel et avec des infrastructures plus modestes.
Kinshasa, une destination à haute valeur symbolique
L’annonce de la ligne Douala-Kinshasa n’est pas anodine. Avec près de 15 millions d’habitants, la capitale de la République démocratique du Congo représente un pôle économique et diplomatique majeur dans la sous-région. Elle cristallise aussi les liens historiques, politiques et culturels entre les deux pays.
Le trafic aérien entre les capitales d’Afrique centrale est encore largement sous-exploité, en raison du faible nombre de liaisons directes et du coût élevé des billets. En s’y positionnant, Camair-Co espère capter une clientèle d’affaires, institutionnelle, mais aussi diasporique.
Des défis techniques, financiers et humains
Mais le ciel n’est pas encore totalement dégagé pour Camair-Co. Le chemin vers la rentabilité reste semé d’embûches. La compagnie doit assainir ses finances, restructurer son personnel, investir dans la formation, et surtout regagner la confiance du public.
La ponctualité, la sécurité et la qualité du service seront les principaux juges de paix d’une relance crédible. Plusieurs experts du secteur aérien alertent déjà sur la nécessité de ne pas reproduire les erreurs du passé : « L’ouverture de lignes ne suffit pas. Il faut une vision industrielle cohérente, une culture de gestion moderne et une flotte opérationnelle 365 jours par an », souligne un ancien cadre d’Ethiopian Airlines.
Une renaissance encore fragile, mais porteuse d’espoir
Alors que les compagnies africaines peinent à exister face à la domination des géants du Golfe et des opérateurs européens, Camair-Co cherche à reprendre sa place dans un ciel africain en pleine recomposition. Le renforcement des liaisons intra-africaines est un enjeu majeur pour l’intégration économique du continent, et les compagnies nationales peuvent en être des catalyseurs.
Si elle parvient à conjuguer modernisation technique, gestion rigoureuse et vision commerciale, Camair-Co pourrait bien redevenir, sinon une fierté nationale, du moins un outil stratégique régional.
En effet, le décollage prudent, atterrissage incertain
La renaissance de Camair-Co n’est pas encore une réussite, mais elle n’est plus une chimère. À l’heure où l’Afrique redessine ses flux aériens et où les États revalorisent leurs outils de souveraineté économique, le retour de la compagnie camerounaise pourrait marquer un signal fort.
Reste à transformer l’essai. Et à prouver, cette fois, que les ailes de l’étoile ne se briseront plus en plein vol
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