Dans la mouvance de la mise en œuvre de la politique d’import-substitution lancée par le gouvernement camerounais depuis 2022, le secteur du médicament et des équipements médicaux est identifié parmi les cibles prioritaires. C’est dans ce cadre que le ministre de la Santé Publique (Minsanté), Dr Malachie Manaouda, a initié, fin février 2025, une série de concertations relatives au développement de l’industrie pharmaceutique locale. Autour de la table, les acteurs de la chaîne industrielle de ce secteur, l’ordre des pharmaciens, les associations de pharmaciens d’industrie et les sectoriels. Au fil des échanges, les différentes parties prenantes ont exploré les solutions pratiques, faisables et pérennes pour la vitalité de l’industrie pharmaceutique locale. Les industriels souhaitent l’élaboration d’une feuille de route concertée pour l’implémentation de la pénétration du marché local à hauteur de 30%.
Dans cette perspective, les principales doléances portées à l’attention du ministre de la Santé Publique portent entre autres sur la mise à disposition du Minsanté d’un fichier des quantités de produits actuellement en stock pour faciliter leur écoulement, l’inscription des entreprises pharmaceutiques auprès des banques accréditées à l’effet de bénéficier du fonds de garantie disponible au ministère des Finances, l’obtention des subventions dans le cadre de la politique de l’import-substitution, le gel des taxes relatives à l’eau et l’énergie pour les cinq prochaines années, la réduction des taxes liées au patronat, l’arrêt de l’importation des molécules produites localement. Pour le moment, une plate-forme dédiée aux importations et dont le but est de calibrer le volume des importations des produits pharmaceutiques au prorata des industriels locaux a été mise en place.
Un marché de 200 milliards de FCFA
A fin 2023, la production locale ne répond qu’à 5% des besoins nationaux. Sur les centaines de molécules autorisées par le gouvernement, seules 57 sont produites au Cameroun, contre 33 en 2017. Le pays importe plus de 90% de ses produits pharmaceutiques soit un marché local d’environ 200 milliards de FCFA. Selon les professionnels du secteur, une proportion inquiétante de produits pharmaceutiques utilisés dans le pays – estimée à 40% des produits courants sur le marché – provient de la contrebande et des chaînes d’approvisionnement illicites. Néanmois, les investissements progressifs des laboratoires dans la production camerounaise ont permis l’émergence d’une filière locale qui exporte aujourd’hui des médicaments dans la sous-région (Tchad, RCA) mais également au-delà (Bénin, Côte d’Ivoire).
Pour soutenir cette dynamique, le gouvernement camerounais a élaboré « un cadre de concertation visant à développer l’industrie pharmaceutique locale, conformément à la Stratégie Nationale de Développement à 2030, la SND30. En plus de 21 agréments octroyés aux industries pharmaceutiques locales, qui permettent de couvrir actuellement 5% à 10% des besoins en fonction de la typologie des médicaments et produits pharmaceutique, la volonté du gouvernement est de passer progressivement à un taux de couverture de 40% dans les prochaines années », explique Dr Malachie Manaouda.
Les Nations Unies à la rescousse
C’est dans ce cadre que se situe la ratification d’un traité avec l’Agence Africaine du Médicament, et l’engagement d’une mise en place de l’Agence Camerounaise du Médicament, avec une révision complète de ses instruments juridiques internes en matière de régulation pharmaceutique.
La Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) a d’ores et déjà enclenché le processus de négociation d’un éventuel partenariat entre le gouvernement du Cameroun et la Société financière africaine (AFC), qui a démontré son expertise dans le soutien et le co-développement de zones économiques spéciales et d’autres grappes industrielles en Afrique.
Selon Antonio Pedro, directeur du Bureau de la CEA pour l’Afrique centrale, «ces zones économiques spéciales dédiées au secteur pharmaceutique mettront en place un écosystème pour une industrie compétitive et durable.» Dans une approche sectorielle issue d’un tel dispositif, « l’industrie pharmaceutique identifiera plus facilement le potentiel de la pharmacopée locale, en amont, et celui de distribution en aval, renforçant les liens entre les acteurs de ces étapes de la chaîne de valeur et ceux impliqués dans la production », ajoute-t-il.