Partout où la forêt recule – que ce soit dans le bassin du Congo, en Côte d’Ivoire ou à Madagascar – des vies humaines basculent. Car au-delà des arbres, ce sont des territoires, des cultures et des identités que l’on rase.
Dans les faits, la déforestation est trop souvent le prélude à des violations massives de droits : expulsions de communautés, destruction de moyens de subsistance, violences sexuelles, intimidations de défenseurs de l’environnement. Selon Global Witness, plus de 170 activistes environnementaux ont été tués dans le monde en 2022, beaucoup en lien avec des conflits fonciers ou forestiers. En Afrique centrale, ces tensions sont exacerbées par l’absence de cadastre clair, la faiblesse des institutions et la porosité entre intérêts privés et pouvoir politique.
Les peuples autochtones sont en première ligne. Chasseurs-cueilleurs, éleveurs ou cultivateurs, ils vivent depuis des générations au rythme de la forêt. Or, les grandes concessions forestières, agro-industrielles ou minières, souvent octroyées sans consultation préalable, piétinent leurs droits coutumiers. Résultat : déplacements forcés, pauvreté accrue, perte de repères culturels. Les femmes sont particulièrement vulnérables, elles qui assurent traditionnellement la collecte de l’eau, du bois et des plantes médicinales.
Mais la résistance s’organise. Des ONG locales et internationales documentent les abus, des leaders communautaires s’érigent en avocats de leur peuple, et certaines juridictions commencent à reconnaître la valeur juridique des droits fonciers coutumiers. En Ouganda, au Cameroun ou au Liberia, des batailles judiciaires emblématiques ont permis de freiner des projets destructeurs. Le vent tourne doucement.
Toutefois, la reconnaissance du lien entre déforestation et droits humains reste insuffisante dans les politiques publiques africaines. Les textes existent, mais leur mise en œuvre est lacunaire. Une meilleure gouvernance forestière, fondée sur la transparence, la consultation et la justice sociale, devient urgente.
Protéger les forêts, ce n’est pas seulement sauver des écosystèmes. C’est garantir la dignité, les droits et la survie de millions d’Africains. La justice environnementale ne sera pas possible sans justice sociale. La lutte contre la déforestation doit désormais se mener au nom des droits humains
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