«Au terme d’échanges très fructueux et constructifs, les propositions pertinentes ont été approuvées et seront intégrées dans les nouvelles versions des avant-projets de textes. Les discussions vont se poursuivre afin de finaliser la réflexion sur les points se rapportant notamment aux différentes options de supervision des Caisses de dépôts et consignations ainsi qu’aux modalités de régulation des fonds en déshérence.» Ainsi se présente un extrait du communiqué rendu public le 12 février par le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). Yvon Sana Bangui précise que les nouvelles propositions seront examinées lors d’une ultime réunion prévue en mars, avant de soumettre les projets de textes aux organes compétents de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).
Le non moins président de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) s’exprimait ainsi au terme de la deuxième réunion du groupe de travail, qu’il préside également, en charge de formuler des propositions consensuelles pour la supervision des activités des Caisses des dépôts et consignations (CDC) et la gestion des avoirs en déshérence dans la sous-région. Cette rencontre par visioconférence, qui fait suite à celle du 9 décembre 2024, avait pour objectif d’examiner les deux avant-projets de règlement Cemac élaborés par le secrétariat général de la Cobac, lesquels ont trait à l’avant-projet de règlement relatif aux conditions d’exercice et à la supervision des CDC, ainsi que l’avant-projet de règlement ayant trait au traitement des comptes inactifs et des avoirs en déshérence dans les livres des établissements assujettis à la Cobac.
Au terme d’échanges très fructueux et constructifs, des propositions pertinentes ont été approuvées et seront intégrées dans les nouvelles versions des avant-projets de textes, mentionne M. Sana Bangui. Et d’ajouter que les discussions vont se poursuivre, afin de finaliser la réflexion sur les points se rapportant notamment aux différentes options de supervision des Caisses de dépôts et consignations ainsi qu’aux modalités de régulation des fonds en déshérence.
Joug tutélaire
Sans être dans le secret des dieux, ce chronogramme aléatoire laisse deviner que le groupe de travail en a encore pour un an, au moins, avant de finaliser ses textes et les rendre opérationnels. C’est le même temps qu’il faudra, à la Caisse des dépôts et consignations (Cdec) du Cameroun, pour espérer être libérée du joug tutélaire de la Beac. Un véritable martyre, pour un organisme accueilli avec enthousiasme par la communauté financière nationale – voire au-delà – et qui, au fil des jours confirmait les espoirs placés en lui par les pouvoirs publics du Cameroun.
Le 11 juillet 2024 en effet, la Cobac, à la surprise quasi-générale, décidait de la suspension temporaire des activités de la structure des opérations de transfert des avoirs en déshérence dans le pays. Le gendarme sous-régional des établissements financiers prétendait ainsi clarifier la nature, mais aussi définir les modalités de conservation, de gestion, voire de restitution desdits avoirs avant toute action de transfert.
La Cobac affirmait alors avoir «engagé des travaux visant à encadrer, au plan communautaire, le traitement par les établissements de crédit, de microfinance et de paiement, des avoirs en déshérence et de leur transfert aux institutions habilitées». Pour le régulateur, un cadre règlementaire harmonisé permettra de préserver la stabilité financière au sein de la Cemac, de maîtriser les risques opérationnels liés à la conservation et la gestion de ces valeurs ainsi que les risques de contentieux entre les institutions nationales, les institutions financières et les titulaires de ces avoirs ou leurs ayants droit.
En réaction à ce qu’elle considérait comme un oukase, la présidence de la République du Cameroun avait instruit le ministre des Finances à inviter la Cobac à rapporter sa circulaire, relative à la suspension du processus de transfert des avoirs en déshérence, et d’axer ses réflexions sur d’éventuelles activités bancaires résiduelles, susceptibles d’être exercées par les Caisses de dépôts et consignations, lorsque celles-ci n’ont pas créé des filiales à cet effet. Il était aussi question de veiller, avec la Cdec et en application de l’article 55 du décret du 15 avril 2011 portant organisation et fonctionnement de cet organisme, à la poursuite effective, diligente et sereine du processus de transfert des fonds déjà entamé.
Défis opérationnels
On rappelle qu’un décret du Premier ministre camerounais, daté du 1er décembre 2023 et fixant les modalités de transfert des fonds, permet aux établissements de crédit et de microfinance d’obtenir des modalités particulières en cas de fragilité financière ou de risques d’exposition au non-respect de certains ratios. Les modalités en question prennent en compte les défis opérationnels des transferts, tout en permettant aux banques d’ouvrir un compte Cdec dans leurs livres. «Les fonds transférés ne génèrent aucun mouvement de trésorerie défavorable pour la banque. Un échéancier de transfert des fonds et/ou valeurs spécifiques aux établissements de crédit ou de microfinance exposés à des engagements financiers est prévu parmi lesdites modalités», ajoutait-il.
Le chef du gouvernement appelait alors la Cobac à se positionner comme un catalyseur du changement, plutôt que comme un frein. D’accompagner les États dans le déploiement d’outils de financement de l’économie. Dans le même temps, le directeur général de l’organe national, Richard Evina Obam, avait exprimé son désaccord avec cette suspension, insistant sur la souveraineté des États membres de la Cemac en matière législative et réglementaire, soulignant également que chaque État membre était libre d’appliquer ses propres lois, en l’absence d’un cadre réglementaire communautaire lisible.
«En vertu du principe de subsidiarité et en cas de compétence concurrente, les États membres ont une compétence par défaut sur tous les domaines non réglementés par le droit communautaire, ce qui est le cas du service public des dépôts et consignations, avait alors expliqué le patron de la Cdec. La construction communautaire est faite par les États et non par la défense des intérêts corporatifs. (…) si une réglementation communautaire doit être mise en place pour encadrer certaines activités des caisses des dépôts et consignations, cela ne doit pas être de manière unilatérale ou en privilégiant certaines parties, mais en associant les États membres et même les caisses des dépôts et consignations.»
Blocus préjudiciable
Les autorités camerounaises, insistait alors M. Evina Obam, ont pris les mesures appropriées pour garantir la stabilité du secteur bancaire. Déjà, le décret du Premier ministre, daté du 1er décembre 2023 et fixant les modalités de transfert des fonds, a permis aux établissements de crédit et de microfinance d’obtenir des modalités particulières en cas de fragilité financière ou de risques d’exposition au non-respect de certains ratios.
Mais rien n’y a fait. Au niveau même de la Cobac, des sources internes ne cachaient pas leur embarras face à ce blocus préjudiciable à la Cdec. On rappelle que, dans le même temps et sans le moindre acte comminatoire, un établissement similaire fonctionne depuis des années au Gabon voisin.
Créé le 18 octobre 2024 par Yvon Sana Bangui, le groupe de travail est sensé formuler des propositions consensuelles pour la supervision des activités des CDC et la gestion des avoirs en déshérence au sein de la Cemac. Avec ses 38 membres et présidé par le gouverneur de la Beac, il s’agit d’un modèle de bureaucratie sous-régionale. Rien que cet effectif pléthorique laisse déjà craindre la léthargie. Ses acteurs proviennent de la Banque centrale, mais aussi de la Cobac, des CDC du Gabon, du Cameroun et du Congo ainsi que des associations de consommateurs. Ils ont pour mission d’identifier des pistes de convergence et de formuler des recommandations concrètes, visant à lever les obstacles et renforcer la confiance des acteurs de la place financière.