10 des 14 communautés urbaines du Cameroun n’ont pas souscrit des parts dans le capital de la future Société d’Economie Mixte annoncée en 2016. Douala et Yaoundé, les villes les plus confrontées aux difficultés de gestion des déchets ne semblent pas intéressées.
Dans le but d’analyser collectivement les causes de l’insalubrité récurrente en milieu urbain et de formuler les solutions durables dans le cadre d’une approche participative et inclusive qui favorisera l’adhésion de tous dans leur mise œuvre, le ministre de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu), Célestine Ketcha Courtès, organise des états généraux sur la gestion des ressources en déchets urbains du 6 au 7 mai 2025 à Yaoundé.
Cette rencontre n’est pas sans rappeler les premières assises nationales sur les déchets, tenues à Yaoundé du 27 au 28 avril 2016. A l’époque, la principale recommandation prise par les participants étaient la mise en place d’une Bourse Nationale des Déchets (BND). Près de dix ans après cet engagement, la future plateforme collaborative et opérationnelle chargée de connecter les détenteurs de déchets et les potentiels utilisateurs n’est toujours pas opérationnelle.
Alors que les deux plus grandes métropoles du Cameroun (Douala et Yaoundé) font face à une crise des déchets, le ministre de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement Durable (Minepded), Pierre Hele, multiplie les concertations pour relancer le dossier. La dernière en date est la réunion d’échange organisée le 28 mars 2025 à Yaoundé avec les Maires de ville, en présence des représentants d’administrations sectorielles concernées. L’objectif : interroger les réalités relatives à la gestion des déchets dans les mairies et recueillir les avis et contributions des maires pour une Bourse Nationale des Déchets performante et efficace.
Cette rencontre a permis au ministre d’encourager les maires présents à souscrire des parts d’actions de la BND, dont l’État est actionnaire majoritaire. En effet, encore en phase de finalisation, la BND prendra la forme d’une Société d’Economie Mixte régie par l’acte uniforme OHADA et la loi n°2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques au Cameroun.
Lors d’une réunion stratégique consacrée à la BND le 15 avril 2024 à Yaoundé, l’on a appris du Minepded que la future « Bourse nationale des déchets S.A » aura un capital autorisé de 500 millions de FCFA. Pour le moment, le gouvernement a souscrit 53 parts pour une valeur de 212 millions de FCFA, soit 42,4% du capital. A terme, cette participation sera portée à 51%. Aux côtés du gouvernement, les mairies des villes de Garoua (trois parts, 12 millions) et Ebolowa (deux parts, 8 millions) ont déjà mis la main à la pâte. D’autres communautés urbaines telles que Bafoussam et Maroua se sont engagées à souscrire des parts mais sans dévoiler les montants. Pour le reste, soit 10 communautés urbaines sur les 14 que compte le Cameroun.
Economie circulaire
Dr Daniel Edjo’o, le maire de la ville d’Ebolowa, chef lieu de la région du Sud, explique que la gestion représente près de 30% des activités de sa municipalité. « Nous avons de gros soucis dans ce domaine, notamment les déchets plastiques. Cette bourse nationale des déchets arrive en renfort au travail qui est déjà mené. De plus cela va rapporter de l’argent à notre municipalité », dit-il. Pourtant, Douala et Yaoundé, les villes plus riches mais également celles qui sont le plus en proie aux difficultés de gestion des déchets, brillent jusque-là par leur silence par rapport à ce projet.
En rappel, la Bourse Nationale des Déchets est une plateforme électronique qui permet de mettre en relation l’offre et la demande des déchets à fort potentiel économique, pour une réutilisation, une transformation, un recyclage ou tout autre forme de valorisation. Elle est l’une des solutions envisagées par le Gouvernement pour lutter contre la pollution tout en favorisant le développement économique, avec l’éclosion d’une véritable économie circulaire. Parmi ses utilisateurs potentiels figurent les Collectivités Territoriales Décentralisées, les industriels, les Commerçants et artisans, les administrations, les collecteurs et récupérateurs installés, ainsi que les entreprises agréés de valorisation des déchets.
Selon les données du ministère du Minepded, le Cameroun produit six millions de tonnes de déchets solides par an, dont 600 000 tonnes de déchets plastiques qui finissent pour la plupart dans la nature ; entraînant une pollution considérable des sols. Seuls 20 % de ces déchets sont traités.