Le bras de fer s’intensifie entre les Caisses de Dépôts et Consignations (CDC) du Gabon et du Cameroun, et la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC). Au cœur du conflit : une bataille juridique et politique sur la supervision de ces institutions publiques.
La COBAC entend étendre son contrôle aux CDC, considérées pourtant, par leurs dirigeants, comme hors du champ de compétence de l’organe régional de régulation. La riposte ne s’est pas fait attendre : les deux CDC rejettent en bloc cette supervision jugée « inadaptée, illégitime et précipitée ».
Contrairement aux banques traditionnelles, les CDC n’ont pas vocation à collecter de l’épargne du public ou à faire du crédit. Elles gèrent principalement des dépôts réglementés, des consignations légales ou des fonds publics, dans le cadre d’une mission de service public.
« Nous ne sommes ni une banque commerciale, ni un établissement de crédit. Nous sommes un instrument de l’État, au service de l’intérêt général », explique un cadre de la CDC Gabon.
Au Gabon, l’ordonnance n°024/PR/2010 est claire : la CDC est une institution publique, distincte des établissements bancaires soumis à la supervision de la COBAC.
En l’état actuel du droit, la COBAC n’a pas la compétence pour superviser des entités comme les CDC. L’organe régional est mandaté pour contrôler les banques et établissements financiers au sens strict. Les CDC, elles, échappent à ce cadre réglementaire, et sont déjà soumises à des mécanismes de supervision nationaux, sous tutelle des ministères des finances.
Les autorités des CDC dénoncent ainsi une tentative de passage en force, sans base juridique claire. Pire : sans réelle concertation avec les États concernés.
Derrière cette controverse, se cache une question plus large : celle de la souveraineté nationale face aux organes communautaires de la CEMAC. Les CDC rappellent que leur existence et leur fonctionnement relèvent d’un cadre légal national. Pour elles, vouloir imposer une supervision régionale sans adapter les textes constitue une entorse au principe de souveraineté.
« Ce n’est pas qu’une question technique. C’est un enjeu institutionnel et politique : qui décide de la gestion des fonds publics ? Les États ou une autorité régionale ? », s’interroge un expert du droit public camerounais.
Les CDC du Gabon et du Cameroun appellent donc à une clarification juridique, mais aussi à une concertation élargie. Elles ne s’opposent pas au principe de transparence ou de contrôle, mais refusent ce qu’elles considèrent comme une ingérence injustifiée.
À l’heure où la CEMAC cherche à renforcer son intégration, cette affaire met en lumière les limites de la gouvernance communautaire et les tensions persistantes entre les textes régionaux et les réalités nationales.
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