Initialement prévu pour le 18 juillet 2025 à Yaoundé, le sommet conjoint entre la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) a été reporté sine die, selon un communiqué du secrétariat général de la Présidence de la République du Cameroun publiée le 11 juillet 2025.
Par Serge Sabouang
Une annonce un peu laconique, pourtant, ce rendez-vous était présenté comme un tournant historique : celui de la rationalisation des deux principales organisations régionales d’Afrique centrale, longtemps critiquées pour leurs chevauchements de missions, leur lourdeur institutionnelle, et leur faible efficacité intégrative.
Un report au goût d’échec
Ce report, survenu à seulement huit jours de l’événement, interroge. Plusieurs hypothèses circulent dans les cercles diplomatiques et économiques de la sous-région :
Des contributions financières non honorées par certains États membres ?
L’indisponibilité de certains chefs d’État majeurs, dont la présence était indispensable pour valider politiquement un processus aussi stratégique ?
Des blocages de dernière minute sur le projet de fusion, notamment en matière de leadership, de siège institutionnel ou de répartition des compétences ?
Ou encore, des divergences entre technocrates et politiques sur les modalités de la fusion (juridiques, budgétaires, symboliques) ?
Rien ne filtre officiellement, mais le silence est éloquent.
Une intégration en sursis ?
La fusion CEEAC–CEMAC vise, sur le papier, à répondre à la demande croissante de cohérence institutionnelle en Afrique centrale, région longtemps restée en marge des dynamiques d’intégration observées ailleurs sur le continent. Les bailleurs internationaux, dont la Banque mondiale et l’Union européenne, appellent de leurs vœux une architecture régionale simplifiée, plus lisible et plus efficiente.
Mais les résistances sont profondes : enjeux de souveraineté, rivalités d’influence entre les États (notamment entre le Gabon, le Cameroun, le Tchad et le Congo), craintes de pertes de positions acquises au sein des deux organes, ou encore méfiance vis-à-vis d’une CEMAC jugée trop arrimée à la zone CFA et à la France.
L’Afrique centrale face à elle-même
Ce report ne signifie pas l’abandon du processus, mais il en affaiblit la dynamique. Il envoie surtout un signal préoccupant dans un contexte régional déjà tendu : instabilités politiques (Congo, Tchad, RCA), défis sécuritaires transfrontaliers, et une jeunesse de plus en plus sceptique sur l’utilité réelle des institutions régionales.
L’Afrique centrale reste l’une des régions les moins intégrées du continent. Le report de ce sommet rappelle que les réformes institutionnelles, aussi urgentes soient-elles, butent encore sur des logiques de pouvoir et des calculs d’intérêts nationaux.
La région attend désormais une nouvelle date, mais surtout, des garanties concrètes que cette union tant annoncée ne sera pas, une fois de plus, un serpent de mer.
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