Le 30 juillet 2025, Emmanuel Macron signe une lettre historique adressée à Paul Biya : la France reconnaît officiellement avoir mené une « guerre », caractérisée par des « violences répressives », contre les indépendantistes camerounais . Ce tournant mémoriel marque la fin d’un silence officiel qui pesait sur le passé colonial.
À Yaoundé, les réactions oscillent entre satisfaction et réserve. Le président de la Société camerounaise d’histoire qualifie la commission initiée par Paris de « mascarade », dénonçant une « volonté française d’écrire l’histoire du Cameroun sans les historiens camerounais » . Lors d’une conférence à Douala, Bedimo Kouoh (Mouvement africain pour la nouvelle indépendance) appelle Macron à mettre « tous les crimes de la France sur la table » pour espérer une relation véritablement pacifiée .
Même parmi les chercheurs, un certain scepticisme persiste : pour l’universitaire Christophe Ralite, la démarche française semble répondre davantage à un calcul d’image qu’à un véritable engagement mémoriel : « Emmanuel Macron entend solder à peu de frais ce qui fut la Première Guerre néocoloniale française » .
Pourtant, les avancées sont réelles. Le rapport scientifique, long de plus de 1000 pages, a été remis aux chefs d’État dès janvier 2025 . Les historiens mobilisés ont eu accès aux archives classifiées française et camerounaise . Le président Biya, quant à lui, considère que « il nous appartient dès à présent d’enseigner et surtout de vulgariser ces travaux méritoires de co-construction entre la France et le Cameroun » .
Ce geste de reconnaissance pourrait ouvrir plusieurs pistes diplomatiques. D’abord, sur le plan symbolique, il permet de briser le mythe du passé lointain et d’instaurer une relation fondée sur une mémoire partagée. Pour Paris, c’est aussi une réponse aux défis géopolitiques en Afrique centrale, face à l’influence croissante de la Chine, de la Russie ou de la Turquie.
Mais l’enjeu est désormais politique et constructif : l’ouverture des archives, certes salutaire, impose d’être suivie d’initiatives concrètes — dans l’éducation, la recherche, la culture – pour éviter que la reconnaissance ne reste un geste symbolique.
Dans les mois à venir, l’opinion publique, et particulièrement la jeunesse camerounaise, jugera la France sur ses actes. Tant que les projets mémoriels ne seront pas appuyés par des actions tangibles (soutien académique, réformes scolaires, coopération culturelle), cette reconnaissance risquerait de s’estomper.
Après la mémoire, l’histoire jugera la diplomatie.
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