La nomination de Gabriel Mbairobe, le 6 août 2025, à l’intérim du ministère du Tourisme et des Loisirs, en plus de ses fonctions au ministère de l’Agriculture et du Développement rural, intervient dans un moment politique et économique charnière. À moins de 70 jours de la présidentielle, ce double portefeuille concentre une part décisive du potentiel productif du Cameroun.
Agriculture : un levier de stabilité en contexte incertain
Le Cameroun, puissance agricole régionale, mise sur ses exportations de cacao, coton et café pour équilibrer sa balance commerciale, tout en cherchant à renforcer l’autosuffisance vivrière. Le Minader est en première ligne pour répondre à la double exigence : soutenir les producteurs face à la volatilité des prix mondiaux et moderniser la filière. En 2024, la flambée des intrants importés avait fragilisé les petites exploitations, soulignant l’urgence de développer des solutions locales. Mbairobe, considéré comme un profil technicien, porte déjà plusieurs chantiers : mécanisation, irrigation et réserve foncière agricole de 400 000 hectares. Le cumul ministériel, s’il accroît son champ d’action, comporte le risque d’une dilution des priorités, dans un secteur où la réactivité est déterminante.
Tourisme : un catalyseur de diversification économique
Avec seulement 6 % du PIB, le tourisme reste sous-exploité, malgré des atouts majeurs : paysages, patrimoine culturel et position géographique. La Coupe d’Afrique des Nations 2026 pourrait jouer un rôle de déclencheur, à condition d’accélérer la mise à niveau des infrastructures. L’intérim confié à Mbairobe pourrait créer des synergies inédites : l’agro-tourisme, en particulier, représente un créneau porteur, capable de lier valorisation des terroirs et diversification des revenus ruraux. Le défi sera de passer d’initiatives isolées à une politique structurée, intégrant formation professionnelle, normes d’accueil et marketing international.
Dimension politique : la stratégie du pouvoir en période électorale
En choisissant un ministre au profil technique, l’exécutif envoie un double signal : assurer la continuité de l’action publique et éviter l’impression d’un favoritisme partisan. Mais la concentration de deux ministères stratégiques dans les mains d’un seul acteur peut aussi renforcer son poids dans les équilibres internes. Dans les zones rurales et septentrionales, où l’agriculture et le tourisme sont des moteurs économiques, les décisions de Mbairobe pourraient avoir un effet direct sur la perception du gouvernement en campagne.
Encadré chiffré Agriculture et tourisme au Cameroun
Agriculture
Part dans le PIB : 15,2 % (2024)
Population active concernée : 59,8 %
Principales exportations : cacao (36 %), coton (14 %), café (9 %)
Surface cultivée : environ 7,2 millions d’hectares
Objectif 2025 : réserve foncière de 400 000 hectares pour cultures vivrières et industrielles
Tourisme
Contribution au PIB : 6,1 % (2024)
Emplois directs et indirects : plus de 250 000
Arrivées internationales : 580 000 visiteurs (2024)
Recettes : environ 275 millions USD
Objectif 2026 : franchir le cap du million de visiteurs grâce à la CAN et à la relance post-COVID
Encadré comparatif — Cumul agriculture et tourisme en Afrique
Pays Ministre cumulant agriculture & tourisme Raisons du cumul Résultats observés
Namibie Ministre de l’Environnement, Forêts et Tourisme également chargé de l’Agriculture (2020-2022) Coordination des politiques rurales et écotouristiques Hausse de 18 % de l’agro-tourisme dans les zones pastorales
Cap-Vert Portefeuille commun depuis 2018 (Agriculture, Environnement et Tourisme) Petites surfaces agricoles intégrées à l’offre touristique Amélioration des revenus agricoles via le tourisme insulaire
Rwanda Coopération Agriculture–Tourisme pilotée par un vice-ministre commun (2019-2021) Valorisation des parcs nationaux et circuits café/thé Augmentation de 25 % des visites dans les zones rurales
Botswana Ministre du Tourisme et de l’Agriculture (2016-2018) Stratégie d’écotourisme durable lié aux zones pastorales Création de labels « agro-écotourisme » exportés vers l’Afrique du Sud
Analyse : Les expériences régionales montrent que ce type de cumul peut créer de fortes synergies, surtout pour l’agro-tourisme et la gestion durable des ressources rurales. Mais le succès repose sur des dispositifs administratifs clairs, pour éviter la dispersion des efforts et les conflits budgétaires
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