L’annonce de la contribution de 40 millions de FCFA offerte par un groupe de jeunes à Paul Biya pour soutenir sa candidature à la présidentielle relance le débat épineux du financement des campagnes électorales au Cameroun. Si ce geste a été salué comme un symbole d’engagement citoyen par certains, il ravive surtout les interrogations sur l’origine et la traçabilité des fonds électoraux, dans un pays où le cadre juridique reste lacunaire.
Entre financement public encadré et privé sans balises
La loi électorale camerounaise fixe à 30 millions de FCFA la caution pour se porter candidat à la présidentielle. Elle prévoit également une double subvention publique : l’une pour le fonctionnement des partis politiques et l’autre pour le financement de la campagne. Celle-ci est versée en deux tranches, la seconde n’étant débloquée qu’après l’élection, au prorata des résultats obtenus.
Mais la zone grise réside dans le financement privé. Si l’article 278 du Code électoral interdit tout financement étranger, aucun texte ne régule précisément les contributions nationales. Ce vide juridique ouvre la porte à des levées de fonds informelles, aux dons anonymes, et, potentiellement, à des financements occultes.
Levées de fonds controversées, campagnes à géométrie variable
En janvier dernier, Maurice Kamto annonçait une campagne de 6 milliards FCFA, déclenchant une polémique sur l’éventualité de financements extérieurs. En 2011, le SDF avait revu son ambition de 2 milliards à 600 millions FCFA, par peur de représailles fiscales, selon Joshua Osih.
Certains candidats, comme en 2018 Cabral Libii, ont mobilisé des dons populaires, tandis que d’autres, comme Jean Bayebeck en 2025, lancent des appels via Mobile Money. Dans tous les cas, la transparence fait défaut.
À l’opposé, le RDPC dispose d’une solide machinerie financière, alimentée par la vente des cartes, les cotisations internes et des ressources difficiles à auditer publiquement. Dans ce contexte, des candidatures émergent à géométrie financière variable, accentuant l’inégalité d’accès aux moyens de campagne.
Un enjeu de transparence pour la crédibilité du scrutin
À quelques semaines de la campagne présidentielle, la question du financement reste un angle mort du processus démocratique. Le contrôle post-électoral, confié à une commission créée par décret, n’a que peu d’impact sur la prévention. Et tant que le cadre normatif du financement privé n’est pas clarifié, les suspicions de blanchiment, d’abus de biens publics ou d’influence étrangère continueront d’entacher la crédibilité du scrutin.
La présidentielle de 2025 s’annonce donc non seulement comme un test politique, mais aussi comme un test d’éthique démocratique, dans un pays où la transparence électorale reste une exigence sans réponse.
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