A l’occasion d’un forum d’échange avec le Sénat, le président de la chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun a interpelé les parlementaires sur la nécessité d’ériger la juridiction financière en véritable Cour des comptes, dotée de moyens renforcés pour exercer pleinement son rôle.
C’est une réalité préoccupante qui tend à être banalisée : la corruption reste un frein au développement du Cameroun. A ce sujet, le rapport 2025 de Transparency International est sans appel : le Cameroun a encore reculé dans le classement mondial ; qu’il s’agisse de l’Indice de perception de la corruption ou du Baromètre mondial de la corruption. Pour la chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun (CDC), ce recul n’est pas qu’un chiffre. Il traduit une urgence : celle d’intensifier les efforts pour inverser la tendance.
A travers ses récentes décisions, Rapport sur la gestion du Projet de Développement des Chaînes de Valeurs Agricoles sur la période 2017-2020 ; Rapport d’audit des fonds affectés à la lutte contre la Covid-19, (exercices 2020-2022), la juridiction des comptes a mis en lumière un lien clair : derrière les fautes de gestion, se cachent trop souvent des cas de corruption et de détournement de fonds.
A l’occasion d’un forum d’échange entre la chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun et le Sénat, organisé pendant la session parlementaire qui s’est achevée le 9 juillet 2025, le président de la juridiction financière a expliqué que ce fléau n’est pas une fatalité. Yap Abdou et son équipe proposent entre autres pistes concrètes d’action : « pénaliser enfin l’enrichissement illicite, toujours absent du Code pénal ; valoriser publiquement les bons gestionnaires et comptables pour enclencher une dynamique vertueuse dans la gestion des biens publics et surtout, ériger la Chambre des comptes en une véritable Cour des comptes, dotée de moyens renforcés pour exercer pleinement son rôle de contrôle et de sanction. » Cette interpellation du Parlement vise à reconnaitre à la CDC le statut d’Institution Supérieure de Contrôle (ISC).
En effet, les lois n°2018/011 et 2018/012 promulguées le 11 juillet 2018 ont élargi les compétences de la CDC, reconnait Mylène Noubi Tchatchoua, magistrat-financier, mais sans lui conférer le statut d’ISC qui en découle selon les termes de la Directive Cemac n°01/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011, en son article 72 : « le contrôle juridictionnel des opérations budgétaires et comptables des administrations publiques est assuré par une Cour des comptes qui doit être créée dans chaque Etat-membre(…) Elle est indépendante par rapport à toute autre juridiction (…) Elle est l’institution supérieure de contrôle de chaque Etat ». Yap Abdou sollicite donc le soutien du Parlement pour que la Directive Cemac sus indiquée soit entièrement internalisée.
En outre, insiste Yap Abdou, la justice financière est une justice spécialisée distincte de la justice administrative et de la justice judiciaire. Aussi, pour un meilleur rendement, la Chambre des comptes et ses démembrements devraient-ils disposer d’un parquet financier autonome abritant en son sein des magistrats financiers formés au jugement des comptes publics, au contrôle de la légalité financière et de la conformité budgétaire et à l’évaluation des politiques publiques. Enfin, la Chambre des comptes recommande la création d’un corps de vérificateurs eu son sein.
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