Alors que le Cameroun tente de repositionner sa Caisse de dépôts et consignations (CDEC) comme un acteur central du financement public à long terme, la BEAC, gardienne de l’orthodoxie monétaire dans la CEMAC, vient de freiner le processus de reconnaissance communautaire. Mais derrière cette réserve réglementaire, certains plaident pour une adaptation évolutive du cadre juridique sous-régional.
La CDEC du Cameroun, créée en 2008 mais opérationnelle seulement depuis 2021, s’est récemment engagée dans une ambitieuse stratégie de consolidation institutionnelle. Son objectif ? Sortir de l’ombre des structures budgétaires de l’État pour devenir une institution financière publique à part entière, capable de canaliser les ressources dormantes (cautions judiciaires, dépôts administratifs, etc.) vers des investissements structurants. Un modèle inspiré de la CDC française, de la Kas de Franceville au Gabon ou encore de la Caisse des Dépôts du Maroc.
Dans ce contexte, la CDEC avait engagé des démarches auprès de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC) afin d’être reconnue comme établissement financier public, et donc régulée dans le cadre prudentiel communautaire. Mais début juin 2025, la BEAC a mis un coup d’arrêt à cette dynamique, invoquant l’absence de base réglementaire claire pour des institutions « sui generis » comme la CDEC.
Une décision technique, mais politiquement sensible
Dans sa note adressée au ministère des Finances camerounais, la BEAC pointe l’ambiguïté du statut de la CDEC, qui n’est ni une banque, ni une microfinance, ni un établissement de crédit classique. De plus, les règles communautaires actuelles ne prévoient pas explicitement de cadre prudentiel adapté à ce type d’institution.
Mais pour plusieurs experts en gouvernance publique, ce vide juridique ne doit pas être un obstacle mais une opportunité d’innovation réglementaire. « Il faut sortir du tout ou rien. Il est possible d’imaginer un régime prudentiel spécifique, adapté aux caisses de dépôts, avec un contrôle renforcé mais souple », plaide un ancien commissaire de la COBAC.
Annexe technique : les arguments en faveur de la reconnaissance encadrée
Alignement avec les meilleures pratiques internationales : Dans de nombreux pays (France, Maroc, Côte d’Ivoire), les caisses de dépôts sont reconnues comme des institutions financières de nature particulière, souvent placées sous supervision d’un organe indépendant ou rattaché à la banque centrale. La reconnaissance ne passe pas forcément par l’assimilation complète aux banques commerciales.
Absence d’intermédiation bancaire directe : La CDEC camerounaise ne collecte pas de dépôts du public, n’octroie pas de crédits classiques, et ne concurrence pas les banques commerciales. Elle agit davantage comme un agent fiduciaire de l’État. Cela limite le risque systémique et justifie une régulation asymétrique, moins contraignante que celle des banques.
Cadre prudentiel adaptable : Il est envisageable d’appliquer à la CDEC une série de normes inspirées du référentiel comptable et prudentiel de la COBAC, sans pour autant lui imposer les ratios de solvabilité ou de liquidité des établissements bancaires classiques. Cela renforcerait la transparence sans dénaturer sa mission publique.
Renforcement de la gouvernance et de l’audit externe : En contrepartie de sa reconnaissance, la CDEC pourrait s’engager à renforcer son contrôle interne, adopter les normes internationales IFRS adaptées, publier des rapports annuels d’activité et être soumise à un audit
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