Malgré leurs efforts depuis leur installation le 10 février 2023, le directeur général de la CDEC, Richard Evina Obam et son adjoint, Anne Geneviève Soppo Etame, peinent à recouvrer l’ensemble des fonds dévolus auprès des assujettis de cet organisme. Une performance en demi-teinte qui serait la conséquence de la lettre de la Cobac qui demande aux banques de suspendre le processus de transfert des avoirs en déshérence.

Le coffre-fort de la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun (CDEC) n’est certainement pas encore rempli mais il n’est plus vide. En attendant la publication officielle de son rapport d’activité et de ses états financiers, la dernière-née du système financier national a déjà engrangé au moins 45,543 milliards de FCFA à fin février 2025. En juillet 2024, le total des transferts était évalué à au moins 27 milliards de FCFA. A ce jour, une dizaine d’entités se sont conformées à la loi en effectuant le transfert volontaire des sommes et valeurs dévolues à la CDEC.
La dernière opération en date remonte au 19 février 2025. Ce jour-là, le directeur général de la Société immobilière du Cameroun (SIC), Ahmadou Sardaouna et son homologue de la CDEC, Richard Evina Obam ont eu une séance de travail relative au transfert des données et des fonds relatifs aux cautions d’habitat détenues par la SIC. Ce qui a permis à la SIC de transférer 482 394 249 FCFA pour le compte de ses 1 763 clients inactifs.
Outre la SIC et par ordre décroissant, c’est la Direction générale du Trésor et de la Coopération Financière et Monétaire (Dgtcfm) du ministère des Finances qui arrive en tête des transferts avec une enveloppe de 17,775 milliards de FCFA. Elle est suivie par Société générale Cameroun : 7,921 milliards de FCFA ; BICEC : 6 milliards de FCFA ; SCB Cameroun : 4,606 milliards de FCFA ; BEAC Cameroun : 3,9 milliards de FCFA ; Standard Chartered Bank : 2,449 milliards de FCFA ; Allianz Cameroun : 1,5 milliard de FCFA ; Crédit foncier du Cameroun : 910 millions de FCFA. Sans compter Banque atlantique Cameroun dont le montant de la transaction n’a pas été révélée.
Peut faire mieux
Avec plus de 45 milliards de FCFA déjà en caisse, le bilan de la CDEC est non négligeable certes, mais certainement en-deçà des attentes. La faute sans doute à la « réticence » de certains assujettis. Depuis l’installation le 10 février 2023 de son top management, la structure fait face à la réticence de certains acteurs, notamment les banques et les établissements de microfinance qui ne veulent pas déclarer ou alors font des déclarations partielles des fonds à transférer à la CDEC.
Or, c’est depuis le 31 mai 2024 que la date limite fixée par le décret du Premier ministre signé le 1er décembre 2023 pour « le transfert volontaire » des fonds et valeurs dévolus à la CDEC a expiré. Après plusieurs reports. Aujourd’hui, ce n’est toujours pas l’affluence dans les locaux de la CDEC. Une situation qui s’expliquerait par « l’ingérence » de la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac) dans les « affaires intérieures du Cameroun. »
En date du 11 juillet 2024, le secrétaire général de la Cobac a décidé de « suspendre le processus de transfert des avoirs en déshérence » de ses assujettis vers la CDEC. Il a souligné la « nécessité de préciser au préalable la nature de ces avoirs afin de préserver la stabilité du système financier en zone Cemac ». Au cours de l’émission dominicale, « Dimanche midi » diffusée le 23 février 2025 sur les ondes de la chaîne de radiodiffusion publique du Cameroun, CRTV, Richard Evina Obam, dénonce un complot de la Cobac, qui essaierait d’outrepasser sa compétence en défendant des intérêts corporatistes.
Complot
En indiquant sa surprise par rapport à la lettre du secrétaire général de la Cobac qui interdit aux banques de transférer les avoirs en déshérence à la CDEC, le directeur général précise que « la problématique des dépôts et consignations est unes problématique purement nationale et régie par l’ordre juridique interne. » S’agissant de la nature des avoirs en déshérence, « la loi du 14 avril 2008 régissant les dépôts et consignations et le décret du Premier ministre du 1er décembre 2023 précise très bien la nature de ces avoirs, les modalités de leur transfert à la CDEC. Les conditions de conservation, de gestion et de restitution sont régies par le décret du 15 avril 2011 ainsi que par l’arrêté du ministre des Finances du 1er décembre 2023. »
En ce qui concerne la stabilité du système financier, « les autorités camerounaises ont travaillé longuement avec les professionnels du secteur bancaire pour la rédaction de tous ces textes (…) Nous avons demandé plus d’une fois les données statistiques à la Cobac pour plus de transparence et pour qu’on puisse mesurer l’impact de l’arrivée de la CDEC dans l’équilibre du bilan des banques. Ces lettres sont restées lettre-mortes, la Cobac ayant choisi de jouer la carte de l’opacité. »
Si tout est aussi clair, où réside donc l’incompréhension, est-on tenté de demander. Le problème ne serait pas tant les textes en vigueur mais ceux en préparation. Pour le dirigeant de la CDEC, la méthode communautaire fait que la compétence de la communauté [Cemac, NDLR] soit une compétence d’attribution. Cela veut dire que « l’élaboration des textes communautaires doit être une émanation de la volonté des Etats et non une émanation des lobbies corporatistes comme c’est le cas à présent. »
Que dit le droit Cemac
C’est ce que stipule l’article 11 du Traité révisé de la Convention du 30 janvier 2009, martèle-t-on à la CDEC : « les Organes et Institutions de la Communauté [Cemac] doivent demeurer dans la limite de leurs attributions. » En plus, renchérit Richard Evina Obam, nous considérons que les caisses de dépôts et consignations sont exclues de la Convention du 17 janvier 1992 portant harmonisation de la règlementation bancaire dans les Etats de l’Afrique Centrale. Il y est dit que « sont exclus, les comptables publics, le Trésor public, la BEAC, le Service financier des Postes et les organismes d’aide au développement. » Pour le manager, la CDEC manie essentiellement des deniers publics. Son compte de gestion va à la juridiction des comptes donc la CDEC est assimilable à un comptable public donc hors du champ d’application de la règlementation bancaire.
Et puis l’article 1er de l’Annexe à la Convention portant création de la Cobac dispose que « celle-ci est chargée de veiller au respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et règlementaires édictées par les Autorités nationales et la BEAC. » Le DG de la CDEC dit constater plutôt « une connivence suspecte entre la Cobac et ses assujettis. » Dans ce cas, elle sort un peu de son rôle. « C’est ce que nous essayons de faire comprendre lors des réunions que nous avons avec ces institutions communautaires », conclue-t-il.