Augmentation de la charge fiscale, contradictions entre certaines dispositions, double emploi, etc. Dans une Note d’analyse dédiée, le Groupement des entreprises du Cameroun relève des dispositions qui vont impacter directement les personnes physiques et morales dans un contexte difficile, tant pour les populations que pour les Entreprises.
Loi portant fiscalité locale ainsi que le nouveau régime de la fiscalité locale portent en réalité sur les modifications des dispositions existantes dans le Code Général des Impôts en matière de fiscalité locale. Beaucoup de taxes qui y sont visées existaient déjà et demeurent inchangées tant en ce qui concerne leur nature que leur montant. Néanmoins, le Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam) note que certains changements auront des implications directes sur les personnes physiques et morales et pas forcement dans leur intérêt.
Centimes additionnels Communaux (CAC)
La loi consacre l’extension des CAC aux Droits d’accises (DA), aux Droits d’enregistrement sur la commande publique et à la Taxe Spéciale sur le Revenu (TSR) à un taux de 5 % du taux des droits ou taxes concernés. « Cette innovation devrait logiquement aboutir à une augmentation de la charge fiscale des entreprises ce qui la rend inopportune », indique le Gecam.
D’une manière spécifique, relativement aux CAC sur les Droits d’Accises (DA) : Si l’argument suivant lequel les produits passibles des DA sont des produits soit nocifs soit dits de luxe, « l’extension des CAC aux Droit d’Accises contribue tout simplement à augmenter le taux de la taxe, et en conséquence la pression fiscale. »
Sur les CAC sur les droits d’enregistrement (DE) sur la commande publique : le patronat pense que l’argument suivant lequel la mercuriale accorde des marges importantes dans les marchés publics est un aveu d’échec de la par de l’administration qui ne peut prouver que la taxe additionnelle permettra une récupération d’une partie de la marge. Il est à noter qu’une extension des CAC à ces DE entraînerait simplement une augmentation du coût du marché pour l’Etat.
Sur l’extension des CAC à la TSR : pour les chefs d’entreprises, cette mesure non seulement contribuerait à augmenter le taux de cette taxe, mais est contraire au fondement juridique des CAC dans la mesure où le redevable réel de cette taxe ne réside pas sur le territoire camerounais. En effet, les CAC ne s’appliquent par définition qu’aux résidents fiscaux camerounais, qui bénéficient seuls des services susceptibles d’être mis en place par les Collectivités territoriales décentralisées (CTD). Or, « un prestataire non-résident, dans le cadre de ses opérations avec son client camerounais opère depuis l’étranger, sans présence au Cameroun, sans intervention physique au Cameroun, sans interaction avec des CTD, ne saurait, pense-t-on au Gecam, être considéré comme « bénéficiant des services sociaux de base de collectivités territoriales ».
Taxe sur la propriété foncière (TPF)
Autre inquiétude du patronat : c’est le renvoie à un texte particulier la fixation des tarifs de la TPF par zone ; ceci peut laisser craindre une inflation au niveau des tarifs de la TPF.
Jeux de hasard et de divertissement
Il est prévu la délivrance de licences aux opérateurs de jeux de hasard et de diversement au bénéfice des CTD. L’on relève qu’il est envisagé d’inclure dans l’assiette du chiffre d’affaires à prendre en compte pour le calcul des droits dus au titre de la licence toute « distribution gratuite, réduction commerciale ». « Une telle extension est discutable en raison de l’absence de contrepartie dans ces opérations de nature à justifier leur inclusion dans un chiffre d’affaires et du caractère purement commercial », argue le Gecam.
Droit d’accise spécial à l’importation des marchandises
La loi a maintenu le taux des Droits d’accises Spécial à 1 % tel que prévu dans le cadre de la Loi de finances 2022. Pour Célestin Tawamba et ses pairs, « cette disposition contribue non seulement au maintien d’une hausse généralisée des prix, mais constitue une injustice » dans la mesure où les droits d’accises sont censés impacter uniquement les prix de certains produits. Par ailleurs, ajoutent-ils, certaines Entreprises paient ce Droit d’Accise spécial et supportent également à l’intérieur les Droits d’Accises spécifiques. Enfin, si l’utilité de ce DA spécial est le financement de l’enlèvement des ordures, il y a lieu de rappeler que les ordures ménagères ne proviennent pas uniquement des produits importés, mais concernent aussi les produits locaux. En l’état actuel des choses, les salariés, les assujettis à l’Impôt Libératoire et la patente payent la Taxe sur le développement local (TDL) qui est perçue selon l’article C57 de la partie fiscalité locale du CGI en contrepartie notamment de l’enlèvement des ordures ménagères. « Il en découle que le fait pour les entreprises importatrices de payer le DA spécial alors qu’elles paient par ailleurs la TDL au moment du paiement de leur patente constituent un double emploi. » Le patronat pense que l’on doit encourager les entreprises qui participent au recyclage de leurs emballages en les dispensant de ce DA spécial.
Impôt Général synthétique (IGS)
Le législateur a procédé à une substitution à l’Impôt Libératoire (IL) par un IGS ainsi qu’une fusion de l’IL avec le régime simplifié et les taxes locales suivantes : Taxe communale sur le bétail, taxe d’hygiène et salubrité, taxe sur les spectacles, taxe de stationnement. En se félicitant de cette mesure en raison de la simplification qu’elle entraînera, les chefs d’entreprise s’interrogent néanmoins sur les raisons pour lesquelles une Entreprise qui n’a pas une activité dans le domaine du spectacle ou de l’élevage paierait le même IGS qu’une autre qui exerce cette activité, vu que le nouvel IGS incorporerait notamment la taxe sur les spectacles, sur le bétail. Par ailleurs, « il est important que le tarif retenu à l’article C40 de la loi sur la fiscalité locale fasse l’objet de simulation plus précise. » En effet, le barème retenu appelle deux observations :
D’abord, c’est le chiffre d’affaire qui est la base de la fixation de l’impôt et non le revenu. Par ailleurs, il convient de s’interroger sur la justice fiscale lorsqu’on sait qu’entre prestataire de services et marchands, les marges ne sont pas les mêmes, le prélèvement sur le Chiffre d’affaires est injuste pour le marchand.
Ensuite, l’IGS est certes un cumul de divers impôts parmi lesquels la TVA mais « en tant qu’impôt libératoire, il s’apparente plus à un impôt sur le Revenu. De ce fait, le contribuable qui, au sens du droit OHADA a le droit de tenir sa comptabilité, devrait être imposé sur son revenu. » De plus, souligne le Gecam, l’article C41 de la loi est de nature à créer une contradiction avec l’article C40 en raison de ce que l’article C40 indique que l’IGS est assis sur le chiffre d’affaires annuel alors que l’article C41 précise qu’il est dû par établissement, dans le cas d’exercice de plusieurs activités distinctes dans le même établissement. « Quelles sont donc les modalités d’appréciation du chiffre d’affaires pour chaque établissement ? » L’article C46 prévoit la fermeture d’office de l’établissement en cas de non-paiement dans les délais de l’IGS ou de défaut de présentation de l’Attestation de conformité fiscale (ACF). « Il convient de noter à ce sujet que : de telles mesures violentes sont de nature à freiner l’activité économique ; cette mesure est en totale contradiction avec les articles C 135 et C 143 qui renvoient aux dispositions du Livre des Procédures Fiscales (LPF) du CGI en cas de non-paiement des impôts locaux dans les délais prescrits », se lamente le patronat. L’article C48 fait allusion à l’existence d’éléments positifs de nature à modifier le montant du chiffre d’affaires déclaré par le contribuable sans donner de précisions sur la nature de ces éléments positifs au regard des enjeux qu’ils entraînent pour un contribuable.
D’une manière générale, regrette le Gecam, d’autres mesures fiscales auraient pu être envisagées, notamment des incitations fiscales de nature à rendre les régions attractives. Etant entendu que des investissements nouveaux dans une région ou dans une commune, seraient non seulement source de création d’emplois et de richesses, mais aussi de recettes fiscales additionnelles.